Enseigner au Nord

décembre 16th, 2011
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J’ai enseigné cinq années dans le nord du Québec (4 dans la Baie James et 1 au Nunavik). Voici quelques notes concernant l’expérience que j’y ai vécue.

Langue

La langue première des élèves auxquels j’ai enseigné est, selon la nation, le cri ou l’inuktitut. Les parents choisissent avec leurs enfants une langue seconde (le français ou l’anglais), que ces derniers apprennent à partir de la quatrième année. Malgré le fait qu’une proportion toujours plus grande de familles opte pour le français, l’anglais demeure nettement plus parlé et compris pour des raisons historiques. Les difficultés liées à la maîtrise de la langue sont donc un aspect majeur de l’enseignement au Nord.

Culture

 

Les peuples des premières nations se sont vus imposer une méthode d’apprentissage très différente de leurs habitudes traditionnelles. Ainsi, les parents Cris et Inuit tendent à être non-interventionnistes, considérant nombre de tentatives d’enseignement comme une intrusion dans l’intimité de leurs enfants. Ils s’attendent, le plus souvent, à ce que ces derniers manifestent seuls le désir d’apprendre et s’efforcent de le satisfaire par leur propre initiative. L’obligation d’aller à l’école ainsi que les règles de vie conséquentes sont donc parfois mal vécues.Pour amoindrir les effets de ces différences de conception, j’ai trouvé particulièrement utile de créer un maximum de ponts entre la classe et la communauté (ouverture de la classe aux parents, intégration d’éléments de la culture en classe, activités avec les élèves du premier cycle dont la langue d’enseignement est la langue maternelle, utilisation de l’écriture syllabique, invitations de personnalités du village, etc.) et de recourir aux principes de la communication non-violente. Par ailleurs, de nombreux élèces ayant un talent certain pour les arts et les travaux manuels, il m’est paru important de le mettre en valeur dans la classe afin de leur permettre de mieux s’approprier ce lieu.


Disparité des connaissances

Une autre réalité à laquelle sont confrontés les enseignants au Nord est la grande disparité des connaissances à l’intérieur des classes, que celles-ci soient dites à niveaux multiples, comme c’est souvent le cas au Nunavik, ou pas. Il m’est apparu plus approprié, plutôt que de miser sur l’individualisme et la compétition, de favoriser l’autonomie, la responsabilisation et l’engagement social au sein de mes classes dans l’optique d’y observer un progrès collectif.


Contexte social


Enfin, j’ajouterais que les nations Crie et Inuit ont vécu de nombreux traumatismes tels que l’évangélisation et la sédentarisation forcées, les écoles résidentielles, les changements rapides de tous ordres, etc. Par conséquent, les problèmes sociaux comme l’alcoolisme, la toxicomanie, le nombre élevé de suicide et la violence sont quelques-unes des réalités auxquelles ont souvent à faire face les enfants et les adolescents autochtones. Les cours de sciences sociales et de morale (avec, si possible, des interventions exterieures – parents ou aînés) m’ont permis d’explorer les causes et les solutions possibles aux malaises qui affectent ces peuples.

J’ai constaté que la confiance se gagne difficilement la première année. Par la suite, en évitant l’ethnocentrisme (les idées reçues sur les autochtones ne manquent pas) et en témoignant de l’intérêt pour l’autre, les choses changent rapidement. J’ai ainsi pu, au fil des ans, tisser des liens de plus en plus étroits avec mes élèves et conséquemment affiner mon mode d’enseignement. Ces années d’expériences ont été pour moi particulièrement enrichissantes tant sur le plan professionnel que personnel. Jamais enseigner n’aura été aussi gratifiant pour moi qu’au Nord.
Vous pouvez situer les communautés où j’ai enseigné sur la carte du Québec ci-dessous:
– Le village Cri de Chisasibi se trouve près de la jonction entre la Baie James et la Baie d’Hudson.

– Le village Inuit de Salluit est situé à l’extrémité Nord, le long du détroit d’Hudson.

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