De Standing Rock à Guilbeaut, en passant par Hulot
En janvier dernier, j’ai contacté un pote de Coule pas chez nous! et de Non à une marée noire dans le Bas-St-Laurent pour essayer de dénicher une plume avisée voulant bien se pencher avec moi sur les évènements de Standing Rock aux states. J’avais envie de dessiner là-dessus et je voulais coller mes gribouilles à un texte qui planterait le décor. En échangeant avec des militants, j’ai capté que l’urticant du moment, dans notre petit contexte, c’était Steven Guilbeault, dépeint comme le poster boy aux commandes d’Équiterre, une organisation perçue comme tiède et molle. Le thème de Guilbeault s’est dès lors imposé (Standing Rock, je l’ai croqué en solo). Lorsque des bribes d’infos ont commencé à me circuler sous le nez, j’ai tout de suite pensé à Nicolas Hulot. Présentateur vedette adulé, éco-star et actuel ministre français de la «Transition écologique et solidaire», Hulot s’est mérité le caustique quolibet d’écotartuffe par certains courants de gauche.
Qu’est-ce qu’un éco-tartuffe?
Je crois que c’est le magazine français La Décroissance qui a pondu ce terme, éco-tartuffe. Il désigne des individus qui ne sont pas à une contradiction près. Bibittes à médias, offrant des bilans carbone démesurés, appartenant à la jet set, parfois même exilés fiscaux (comme Charles Aznavour), ils sont d’intarissables moralisateurs. Les éco-tartuffes donnent des leçons d’écologie «de surface», nous exhortent de bien fermer nos robinets et de bien composter, tout en s’abstenant de poser les vraies questions, celles qui égratignent. Bref, ils s’efforcent de repeindre le capitalisme en vert avec, quelquefois, la bénédiction de douteux sponsors. À leur adresse, La Décroissance garroche ceci : «Vous incarnez de manière pratiquement parfaite la capacité du néolibéralisme à digérer sa contestation et à semer la confusion chez ceux qui lui résistent. … Elle amène à penser que la société de consommation ou le néolibéralisme sont compatibles avec la préservation de la planète». Au final, les éco-tartuffes, purs produits de la société du spectacle, seraient pour les dominants de ce monde à la fois d’inoffensifs imposteurs et d’utiles rigolos.
Je vais encore me faire plein d’amis
Pourquoi représenter notre Tarzan des écolos sous un jour aussi défavorable? Le monde ne manque pourtant pas de méchants. Au départ, Guilbeault, c’était pas le type qui m’irritait le plus, d’ailleurs, chaque année, ma blonde file du fric à Équiterre et ça ne m’a jamais fait râler. Pour moi, Steven, c’est un gentil qui a choisi de jouer dans les ligues majeures, là où, forcément, il faut se pincer le nez et aseptiser son discours. Grosso modo, l’idée c’est de diffuser quelques idées dans les cercles du pouvoir et de grappiller des miettes d’infos utiles pour nourrir les bras armés du mouvement écolo. Non vraiment, Guilbeault à la radio, à la télé, c’est pas celui qui me pompait le plus. Il passe bien. Il a une bonne tête de granole qui s’est rangée. Un brave curé défroqué. Français impeccable. Belle fringues. À priori, rien d’achalant. Je me dis que tout de même, ça m’étonnerait que ce type soit indépendantiste, je le sens vielle mandarine. Me semble qu’on aurait beau l’ensevelir de pelletées d’arguments écolos et progressistes pour l’indépendance, il resterait canadian à l’os. Toujours est-il que le vertueux verbiage et la moiteur mesurée (nécessaires diront certains), ça ne transpire pas la promotion active et décomplexée d’une vision politique et économique audacieuse, révolutionnaire et indépendantiste. Devant ce vert vernis beurrant une économie indéniablement mortifère, je partage l’agacement et l’impatience de mes potes militants. Moi aussi j’ai soif de coups de pieds dans la fourmilière. Moi aussi la novlangue m’exaspère.
Alors je me suis lâché. À un point tel que ça n’a pas fait l’unanimité. La satire et les références scatologiques ne font pas rigoler tout le monde. Nonobstant la magnificence symbolique de la marde et des culs, la recette ne passe pas toujours. Ainsi, la première «plume» a finalement choisi de s’en tenir aux échinodermes, méduses et crustacés du St-Laurent (vous devinez qui?). La seconde «plume» fut victime d’un vague à l’âme et tomba en panne. Nous mîmes donc dessins et ébauches de textes à macérer sur les tablettes. Jusqu’à ce que nos sources entrent en contact avec Rémy Bourdillon de chez Ricochet (où on ne produit pas que des âneries régressives d’arrondissements urbains). Celui-ci a fait de leurs témoignages un solide texte, équilibré et éclairant pour quiconque ignorait l’existence de ces tensions au sein du mouvement écolo. Le point de vue de Guilbeault y est exposé et c’est très bien (pour le lire, suivez le LIEN). Rien toutefois sur un autre vecteur de frustration qui me titillait et que j’aurais voulu explorer. Il y a un an, lors de la rencontre du CAPÉ, j’ai eu aussi l’occasion d’entendre des collègues maraîchers faire état de sentiments mitigés à l’endroit d’Équiterre. Hors de l’exigeante formule du panier, point d’appuis. Même si le panier valorisé par Équiterre a indéniablement contribué au développement du maraîchage bio, la formule semble parfois un peu sclérosée et plus ou moins pertinente selon les régions, surtout si elles sont éloignées de Monrial.
Tintin souillant d’une bouse bio son mythe
J’ai ressorti mes sales dessins en solo parce que je crois qu’ils pourront faire rigoler les adeptes d’humour noir et requinquer quelques militants. Je n’ai pas la haine de Guilbeault, faudrait pas croire. Vraiment. Simplement, je pensais bien illustrer le sentiment de mes camarades en jouant le stéréotype du sauveur médiatique, angélique et aseptique. Le justicier de la justice. Je me suis d’abord inspiré du gag de feu Charb (Charlie Hebdo) à propos du Front National : «Tous les 5 ans, il y a des gogols qui chient sur le paillasson». La chose fut représentée par un étron formant les lettres FN et ornant une carpette aux couleurs de la république (pour le voir, cliquez sur le LIEN). Puis j’ai pensé aux éco-tartuffes de ce monde, notamment à Hulot. Il n’en fallait pas plus pour qu’apparaisse entre mes neurones notre Tintin national souillant sa légende d’une bouse certifiée bio. Point barre. Guilbeault est-il vraiment un éco-tartuffe? À vous de voir. Je ne me sens pas spécialement habilité. Ni particulièrement intransigeant dans ma gourmandise de progrès. Mais des fois, c’est clair que j’écraserais l’accélérateur. Et comme, je ne suis qu’un dessinateur…
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