Au pays des gentils

août 16th, 2018
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Aprilus plante le décor

Ça s’amuse ferme au pays des gentils. Après tout, l’été c’est fait pour jouer. Et celui de 2018 aura été riche en amusements. Vu de ce microcosme où galopent licornes et pangolins fluorescents, dans la vie, il y a des méchants et des gentils. Et heureusement, chez les gentils, il y a des gardiens de la pensée. Fort des algorithmes de Facebook, tout ce petit monde évolue en vase clos sur fond de patchouli.

Or les gentils ne se cantonnent pas qu’à Montréal et certaines de leurs âneries remontent le fleuve. C’est ainsi qu’un échange «qui n’a pas eu lieu» et qui pourtant a généré son lot de petits cœurs et de pouces levés m’a donné envie de varger à nouveau dans ce guêpier qui constitue la clientèle de Québec Solidaire.

Au pays des néo-cléricaux québécois, dès lors qu’on a de bons sentiments, les faits et la sémantique comptent peu. On s’y bricole un petit cocon d’intransigeance bien sélectif et on n’aime pas qu’on vienne nous y secouer les puces. Chez les gentils, on peut partager des énormités et, dès lors qu’un pauvre bougre vient polluer notre petit monde, on se contente de se distribuer des likes entre calinours. Mais au fond, on est quand même bien contents que les méchants nous accordent autant d’importance. Alors entre vertueux, on peut pousser le bouchon jusqu’à endosser la racialisation ambiante et l’onde de censure et d’auto-censure qui balaie actuellement le Québec.

La récréation se terminera peut-être lorsque le monde extérieur appellera enfin les choses par leurs noms.

Retourner l’insulte – RACISTE – et y adjoindre CENSEUR

Le largage d’énormités racistes nappées de bien-pensance induisent une autocensure qu’on mesure par la tiédeur des réponses qu’il suscite. Un hurluberlu fringué en gothique avec une empreinte de loup sul’ chest, assurément, on lui fera sa fête. Le néo-clergé, lui, est à l’abris de tels déferlements d’indignation car il s’affirme bruyamment antiraciste et égrène sont petit chapelet pseudo-intellectuel, le plus souvent dans la langue de Shakespeare.

Devant le racisme, je n’y vais pas par quatre chemins. Qu’il émane du bec de lièvre d’un fakir tamoul, d’un pygmée hydrocéphale ou d’un apache hermaphrodite, si tu partages des propos racialistes, je vais le relever. Et surligner en rouge fluo si tu les endosses. Idem pour ce qui est d’excuser ce fléau intemporel qu’est la censure.

Lettre à un gentil de mon patelin

Avant de me lancer, Gentil-de-mon-patelin, je te prie d’excuser mon ton, mon style. C’est plus fort que moi. Autrement, écrire m’est moins amusant et puis tu le sais, en vrai, je ne suis pas spécialement teigneux. Ce qui m’intéresse ce sont d’avantage les idées que tu véhicules que ta petite personne, rassure-toi. De toute façon, je sais bien que tu ne liras pas mes mots. Enfin, ma marde, si tu préfères.

1- L’antiracisme raciste

On va mettre les choses au clair. Le racisme tient de l’ignorance. Et ignorants, nous le sommes tous à des degrés divers – ne pas le reconnaître tient de la connerie absolue. Je veux bien croire, cher justicier de la justice, que tes intentions sont nobles. Moi aussi, je me réjouis de voir nombre d’autochtones sortir du mutisme et se tailler une place dans le débat public. Seulement, je me méfie de ces petits porte-paroles autoproclamés que tu suis fiévreusement. Tu ne trouves pas ça réducteur de ranger les quelques 500 nations autochtones des Amériques derrière Maïté Labrecque Saganash ou Natasha Kanape? Les indiens, ils n’ont pas le droit d’être de droite? D’être cons, tout simplement. Tu les fantasme comment? Tous traditionalistes, gentils, de gôche, avec des plumes au cul? Et à partir de quel degré de métissage peut-on se prétendre indien? Tu ne t’étais pas posé la question? Effectivement, c’est débile. C’est raciste. Maïté et Natasha ne représentent qu’elles même, ou tout au plus, une poignée d’exaltés. De la même manière, Wiel Prosper, si prompt à fustiger ceux des «siens» ne se ralliant pas à ses idées, ne représente en rien les «noirs». Pas plus que Dalila Awada ne représente les gens de confession musulmane.

Mais avant d’aller plus loin cher Gentil, je t’invite à ne pas remettre en question ma sensibilité aux réalités autochtones. C’est un peu nul de le rappeler mais je vois pointer la bêtise, le classique dénigrement du messager. J’ai vécu des années marquantes chez les cris et les inuits, mes enfants sont nés là-haut, très loin de Montréal, de l’UQAM et de Concordia. J’y ai même des parents adoptifs, eux-mêmes passés par le rouleau compresseur des écoles résidentielles. Et je t’assure que je sais prendre tout le recul historique qui s’impose. Alors épargne-moi tes raccourcis vaseux, car pour l’heure, le raciste qui s’ignore, c’est toi.

Le racisme donc, chemine lentement mais sûrement. Pour le justifier, les nazis l’ont enrobé d’un jargon scientifique. Pour le diffuser, la RTLM, radio populaire Rwandaise, l’a asséné en boucle, sous forme d’un quolibet, «cafard». Ici, le néo-clergé québécois, recoure à la bien-pensance anglo-saxonne. Il importe le discours racialiste des Étazuniens. Et pour le gauchiste d’un autre cru que je suis, le pouvoir de nuisance de ce néo-clergé ne s’arrête pas là. Bien qu’il aboie à l’occasion à leur endroit, il sert les puissants. À force de sottises racialistes, d’écriture zinclusive et de délires de reconnaissance d’individualités toujours plus excessifs, il détourne l’attention publique du pillage économique, de la destruction environnementale et de notre asservissement collectif à une autre nation.

Parmi les inepties racistes que tu véhicules – ou like – allègrement, il y ce concept tordu de whitesplaining. Ainsi la couleur de la peau assignerait certains individus à résidence. Tout individu né blanc (là aussi il faudrait que tu nous indiques à partir de quel degré de blanchitude) serait coupable de colonialisme. Évidemment le colonialisme, l’esclavagisme et la traite négrière perpétrés jadis – et encore aujourd’hui – par certains musulmans ne t’indispose pas. L’antiracisme raciste, par exemple Jaggi Singh qui vomit du blanc, ça ne te pose pas problème car, dans ton cosmos, les porteurs d’épidermes basanés sont vaccinés contre l’ignominie suprême! Le seul racisme digne de ta vindicte c’est celui des blancs d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Le poids du passé, pour toi, c’est aux individus de le porter. Suivant ton raisonnement, puisque le nazisme fut une invention germanique, tout enfant allemand né depuis devrait porter la responsabilité des bourreaux d’autrefois. Vraiment, l’absurdité tu ne la sens pas? Il faut vraiment t’expliquer?

Tout ceux qui prennent à la légère ce genre de dérives verbeuses se montrent complices de cet authentique racisme néo-clérical. Il faut le voir, le reconnaître et le dénoncer comme tel.

Pour clore sur ce point, j’aimerais reprendre les propos de mon ami André Gagnon alors qu’il réagissait à une autre donneuse de leçon. Le racisme qui a façonné l’Amérique du nord n’était pas spécialement blanc, mais bien anglo-saxon et protestant. Il n’était pas plus «blanc» que le racisme aryen des nazis. De quel traitement «privilégié blanc» ont bénéficié les Acadiens, dépossédés, traités et déportés comme du bétail, sans droits reconnus et sans indemnisation pendant 2 siècles? De quel «privilège blanc» a bénéficié Louis Riel et ses métis? Pour certains enfants de Lord Durham, premiers bénéficiaires encore aujourd’hui de ce racisme, il est de bon ton de se déculpabiliser en rejetant le blâme sur ceux que leurs prédécesseurs ont opprimé. La preuve vivante que leur racisme se porte bien.

2- Non, la censure ce n’est pas une question d’hygiène

Voici un exemple de comment, à force de branlettes intellectuelles, on excuse la censure – où lorsque des relents staliniens diffusent dans la bien-pensance :

«Les mécontents et les protestataires vous agacent peut-être, mais ils sont les vrais gardiens de vos droits et de vos libertés, y compris de la liberté d’expression. La critique, la dissidence, le refus, c’est le dernier rempart de la démocratie. (…) Réjouissons-nous tout de même de vivre dans une société où les artistes ont le droit de se tromper, et où le public a également le droit de les critiquer et de les rappeler à l’ordre quand ils errent. La liberté d’expression, c’est pour tout le monde ou ça n’existe pas. C’est bien ce qu’il y a de plus positif à retirer de ce lamentable épisode.»

Cet extrait et l’article d’où il a été tiré, tu les as partagé. Sérieux, tu trouves ça malin? Tu n’a pas voulu me répondre quand j’ai relevé la grossièreté, les contradictions et la condescendance de cette affirmation. Tu crois vraiment que les «noirs», les «indiens» et la «démocratie» se portent mieux depuis que deux œuvres de Robert Lepage ont été mises à l’index par «les gardiens de nos droits et liberté»? D’abord, ce sont peut-être tes gardien à toi, mais pour moi ce sont des clowns obscurantistes, dangereux et nuisibles. Ça ne te saute pas au yeux à quel point ce charabia ne veut rien dire? Il faut vraiment que je t’explique? Relie l’extrait, mesure la bêtise. Cher Gentil, tes gardiens de mes deux, les fameuses pièces de Lepage, ils ne les ont même pas vues! Et ils ont œuvré à les faire censurer! Faut vraiment être débiles…

Avant d’aller plus loin, je vais ouvrir une parenthèse égocentrique. Je voulais te dire que vous (enfin, toi, ton likeux attitré et quelques autres du patelin), m’avez bien déçu par votre silence alors que le petit éditeur du Journal Le Québécois foutait mon article intitulé «Ceux qui hurlent avec les loups» aux poubelles. C’était sous prétexte que je n’étais pas assez fin avec Québec Solidaire. Peut-être qu’à vos yeux, un safe space médiatique était de mise, dès lors que Paul Cliche, un gourou prosélytiste de la gauche orange, était venu mettre son grain de sel en me qualifiant de scatophile. N’empêche, vous pouviez tout à fait ne pas être d’accord avec mon propos. Mais sachez toutefois qu’il manque visiblement une dimension à votre engagement prétendument progressiste : la défense de la liberté d’expression. L’humanité n’a pas à réagir à mes déboires, mais quand on est du même patelin, un peu plus de 3000 habitants, votre silence, même en privé, m’est apparu, du moins pour les deux premiers moineaux, comme un appui tacite au censeur (d’un propos qui vraisemblablement vous agaçait). Eh les mecs, la liberté d’expression ce n’est pas l’affaire d’un clan. Vous devriez relire Chomsky, gauchistes que vous êtes. Et pour ce qui est de mon irritant propos, vous devriez relire Falardeau que vous aimez tant citer de manière sélective.

Mais revenons à l’affaire Lepage, autrement plus évocatrice que ma banale petite histoire. Faudra-t-il recourir à une gamme de couleurs SICO, à un test d’ADN ou revenir à la crâniométrie du 18ème siècle (photo de 1912 ci-contre) pour que soit déterminée notre «case raciale» et de ce fait notre latitude de parole? Et pour causer de l’homosexualité, devrons-nous fournir aux gardiens de la bonne pensée un rapport de nos activités sexuelles? Pour causer d’un genre, devrons-nous baisser notre slip? Pour causer d’une idéologie religieuse devrons-nous en être nous-mêmes endoctrinés?

D’ailleurs à propos de bondieuseries, ce sont aussi tes amis calinours, anarchopanda, inspecteur Camus, Singh et autres tenants du multiculturalisme (en tête, le PLQ) qui se sont mis à diaboliser la laïcité, à associer religions et races, à chier des stéréotypes racistes et à vomir un portrait hétérogénéisant des croyances. Voilà 15 ans qu’on se replonge périodiquement dans le même merdier et à chaque fois, tu cries présent pour bien envenimer l’affaire. Tu ne trouves pas qu’on marche sur la tête là? Qu’il est temps de passer à autre chose?

Ressaisi toi Gentil! Est-ce qu’il faudrait t’énumérer toutes les œuvres qui devraient être mises à l’index selon ton raisonnement de raciste et d’analphabète culturel? Pas sûr que t’aurais la patience de tout te farcir tellement il y en aurait, y compris parmi tes héros anarchistes et gauchistes. Tu mesures le risque qu’on court, collectivement si les artistes, les auteurs, les citoyens se soumettent à l’autocensure, par peur de déplaire à tes bruyants amis du néo-clergé?

C’est pourtant pas compliqué, ami Gentil. TOUT le monde peut s’exprimer, créer, peindre, écrire, dessiner, danser, jouer, sculpter à l’abris du carcan idéologique de tes prétendus gardiens à la con. Le bourgeois comme le prolo. En création, TOUT le monde a le droit de s’inspirer de quoi bon lui semble. On peut s’inspirer de TOUT ce qu’on veut! TOUT le monde a le droit de se planter, de se raviser, ou d’assumer. Devant une création, TOUT le monde a le droit de réagir, d’aimer, de ne pas aimer, de critiquer, de caricaturer, de pasticher, etc. Mais pour ce faire, ça aiderait que tes amis du néo-clergé mettent au placard leurs petits réflexes totalitaires. Faudrait qu’ils comprennent que le monde ne s’arrête pas à la paroi de leur bulle.

La rencontre de deux dérives

Je veux bien croire que ton positionnement part de bonnes intentions (en fait, j’en suis convaincu). Mais au final, il est aussi nuisible que celui qui transpire de la meute ou autre rassemblement de guignols – qui, aussi, peuvent s’être braqués sur des bêtises à partir de craintes légitimes. Nier que ces gens ne sont pas tous forcément mal intentionnés; c’est se comporter en petit Lénine. Se croire appartenir à une élite éclairée, omnisciente, seule apte à penser. C’est mépriser le peuple et s’en couper, c’est pervertir les luttes de la gauche en autocratie; c’est nourrir la fragmentation, la division, la ghettoïsation. Alors que la gauche devrait penser le commun. 

Avec votre surexposition médiatique, vous faites passer l’ensemble des anarchistes et des gauchistes pour une bande d’abrutis! Ne serait-ce que pour cette raison, on peut remercier Roméo Bouchard et Louis Favreau pour leur manifeste de L’Aut’ Gauche.

On assiste à deux types de dérives racialistes qui carburent à l’ignorance et se nourrissent mutuellement. Pour l’heure, tu t’inscris dans l’un de ces courants. Est-ce que tout ceux qui macèrent dans l’un comme dans l’autre sont des racistes finis? Non, mais certainement, ils sont ignorants quelque part. Bonne nouvelle, ça se corrige.

Le bisou de la fin

De grâce, Gentil n’embrasse plus ces conneries mortifères. Ne crains plus l’excommunication de cette clique de fanatiques unidimensionnels, fussent-ils tes amis. L’indépendance d’esprit, c’est une belle expérience de la liberté. Pour l’essentiel, Gentil, on est plutôt d’accord. Du coup, c’est bête qu’on se crêpe le chignon tous les deux car j’ai pour toi, à bien des égards, une sincère admiration. Mais quand tu endosses des propos racistes et que tu te comportes en gardien de la pensée, je surligne la chose en rouge.

Le racisme, d’où qu’il émane, et la censure ne passeront pas.

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★ Lecteurs, lectrices, j’espère que ça t’a plu ou autrement que ça t’as apporté un petit quelque chose. Tu peux visiter ma page de «DONS» (t’y trouveras un aperçu (nivelé au plus bas) de la valeur d’un billet comme celui que je viens de t’offrir). T’as même le droit de m’encourager!

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